Poésie " Julia " par Rémi dit Pilatom
Julia
C’était un matin d’automne
Le soleil fiévreux se lève lentement
Sous le poids des ans
Une mauvaise saison à venir
D’un hiver qui sera demain à ses basques
Comme d’habitude, à la pointe du jour
Jean est déjà debout
Il part d’un pas pressé, vers la forêt
La cueillette des bolets bat son plein
Et ce matin avec cette belle rosée
Nul doute que la récolte sera bonne
Pour les jours d’ hiver
Aux agapes avant la veillée
Jean rude campagnard connait
Les caches secrètes où personne ne va
Il a ses repères le bougre
Un peu de mousse par ci, une fougère là
Le grand arbre, les deux accolés, c’est ici
Quand tout à coup dans un fourré
Près d’un chêne séculaire
Aux branches protectrices
Recroquevillé, un petit corps
Une fillette dort à poings fermés
Bien à l’abri sur un lit d’herbes sèches
Il s’approche doucement, hésite
Faut il la réveiller
Mais que fait cette jolie petite
Au milieu de nulle part
Son coeur s’accélére par saccades
Il se rassure, elle est vivante
Il eut dans un léger sourire, une pensée
On dirait le petit chaperon rouge
Elle est chaudement vêtue
Un joli bonnet cache en partie
Des cheveux bruns mi- longs
Il attend quelques minutes
Qui lui semblent interminables
Les champignons ce sera pour demain
Il essaya de marcher et de tousser
Pour qu’elle ouvre les yeux
C’est un échec total
L’enfant dort de plus belle
Morphée est aux avant-postes
Jean vit seul depuis trop longtemps
Pour rassembler des souvenirs utiles
Il avait bien eu quelques connaissances
Comme l’on dit ici, mais la campagne
N’attire pas ou peu le rouge à lèvres
Et encore moins les escarpins
Qui se perdraient dans la tourbe
Alors les enfants…
Il approcha sa main calleuse
Effleura le visage poupin de la jolie
Il dut s’y prendre à plusieurs reprises
Pour qu’enfin, il assiste au miracle
De beaux yeux vert amande le regardaient
Une terrible tristesse dans le regard
Lequel des deux à le plus peur
Comment tu t’appelles
Julia, Julia
Maman, maman
Dis moi, tu sais ou tu habites
Julia hésita et bredouilla
Quelques bribes de mots
Syllabes entrechoquées
Aucun indice probant
Sauf peut être un accent
Mais venant d’un jeune enfant
Elle n’avait aucune poche
Son gilet chaud l’enveloppait
Aucun papier ni adresse
Julia avait toujours ce même regard
Triste, mais aussi empreint d’inquiétude
D’effroi probablement
Lui de nature si rude
Vit ses yeux s’embrumer
Sa gorge déjà sèche se noua
Une enfant seule dans la forêt
Jean la prit dans ses bras puissants
De bûcheron habitué au dur labeur
Lorsque son regard fut attiré
Par un tissu blanc près d’un taillis
Il se rapprocha et vit l’enfant se raidir
Un petit cri d’effroi et puis maman
C’était un mouchoir froissé
Sous les fougères, gisait le corps
D’une jeune femme a moitié déshabillée
Les vêtements déchirés
Des chaussures à quelques mètres
Les cheveux défaits
La bouche ouverte
Quelques tâches de sang éparses
Des yeux terrorisés
Scène insoutenable
Crime odieux
Jean eu un geste de recul
Il se retint pour ne pas vomir
Sa peine, son dégoût, son horreur
Il avait compris le drame
Il emmena bien vite la petite Julia
Hors des lieux du crime, qui sanglotait
Rapidement les forces de sécurité
Arrivèrent et établirent un périmètre
Interdit aux badauds de service
L’enquête pouvait commencer
Les années ont passé
Jean n’est plus jamais revenu ramasser les bolets
Julia a maintenant trente ans
Trois beaux enfants
A chaque printemps c’est la fête chez Jean
Rémi dit Pilatom texte protégé le 27/06/2017